Sans rien demander en retour

Prédication pour un jour de Culte des Récoltes, Octobre 2023 Matthieu 20, 1-16

Alors que nous célébrons ce dimanche notre Dieu pour les bienfaits de sa Création, alors que nous le louons pour les produits de la terre, voici que le texte du jour nous parle d’une journée de vendange dans une vigne qui, par sa nature, porte du fruit.
Voilà qui est intéressant !

 

Porter du fruit, fructifier, c’est le fait de la vigne.
Valoriser le produit de la terre et le travail des hommes, donner de la valeur à ce travail et en tirer bénéfice, c’est le fait du maître de la vigne.
Répondre à l’appel du Maître et être payé en retour (et râler parce que le salaire, tel qu’il est étalonné et distribué, semble injuste), c’est le fait des ouvriers…
Il y a pourtant de la place pour tout le monde dans ce texte bien connu !

 

Je vais vous confier un secret. Hier, en préparant cette prédication, j’ai franchi la clôture d’un jardin inexploré, j’y ai cueilli un fruit tout particulier. Sur un arbre étrange qui m’a fait frémir.
Je ne sais pas -pas encore- s’il s’agit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, c’est en tous cas un arbre qui jamais ne vous contredira car il saura, sans ciller et à coup sûr, vous offrir précisément ce que vous lui demanderez, quel que soit ce que vous lui demanderez, et cela plus rapidement que le cerveau du meilleur humain ne saurait le faire.

 

Cet arbre produit son fruit, ou fructifie sa production, il répond à la demande en fonction du substrat dans lequel il est enraciné…

 

« Bonjour, c’est Bing! Je suis le nouveau mode de chat alimenté par l’intelligence artificielle de Microsoft Bing qui peut vous aider à obtenir rapidement des réponses résumées et de l’inspiration créative.  »

 

Réponses résumées ou inspiration créative ? Ah ! Voilà ce qu’il te faut pour dimanche ! me suis-je dit.
Alors je me suis tourné vers l’arbre Bing, ai levé le front pour m’adresser à lui, ai tendu ma main prête à cueillir le fruit qu’il allait m’élaborer, correspondant exactement à l’énoncé de ma demande :
« Bonjour Bing, écris-moi une prédication sur la parabole des ouvriers de la 11ème heure  »

 

La réponse de Bing ne s’est pas faite attendre :
« Voici une prédication que j’ai écrite sur la parabole des ouvriers de la 11ème heure :

 

Mes frères et sœurs, aujourd’hui nous allons méditer sur la parabole des ouvriers de la 11ème heure, que nous avons lue dans l’Évangile selon Matthieu. Cette parabole nous révèle le mystère de la grâce de Dieu, qui dépasse notre logique
humaine et qui nous appelle à entrer dans son royaume.(…)

 

Quel est le sens de cette parabole ? Est-ce que Jésus veut nous encourager à être paresseux et à attendre la dernière minute pour nous convertir ? Est-ce qu’il veut nous décourager à être fidèles et à travailler pour son royaume ? Non, bien sûr que non. Jésus veut nous faire comprendre que Dieu n’agit pas selon nos critères humains de justice et de mérite, mais selon sa miséricorde et sa générosité. Dieu appelle tous les hommes à travailler pour sa vigne, c’est-à-dire pour son Église et pour le salut du monde. Il appelle certains dès leur enfance, d’autres plus tard dans leur vie, et même certains à la dernière heure. Il ne fait pas de différence entre eux, car il les aime tous également. Il leur offre à tous le même salaire, c’est-à-dire la vie éternelle. Ce salaire n’est pas proportionnel au temps ou à la qualité du travail accompli, mais il est un don gratuit de Dieu, qui veut que tous soient sauvés.
Cette parabole nous invite donc à changer notre regard sur Dieu et sur les autres. Sur Dieu, car il n’est pas un patron exigeant et avare, mais un Père aimant et généreux, qui veut partager avec nous sa joie et sa gloire. Sur les autres, car ils ne sont pas nos concurrents ou nos rivaux, mais nos frères et nos sœurs, qui ont besoin comme nous de la grâce de  Dieu.
Nous ne devons pas être jaloux ou orgueilleux de notre place dans l’Église ou dans le royaume de Dieu, mais reconnaissants et humbles devant l’amour de Dieu. Nous ne devons pas regarder les autres avec mépris ou indifférence, mais avec compassion et fraternité.
Mes frères et sœurs, soyons donc des ouvriers fidèles et joyeux de la vigne du Seigneur. Quel que soit le moment où il nous a appelés, répondons à son appel avec confiance et générosité. Ne nous lassons pas de faire le bien, car nous savons que Dieu ne se lasse pas de nous faire du bien. Ne cherchons pas notre intérêt personnel, mais le bien commun et le salut des âmes. Ne jugeons pas les autres selon leur apparence ou leur passé, mais accueillons-les comme des frères et des sœurs dans le Christ. Et rendons grâce à Dieu pour son amour infini et sa miséricorde sans mesure. Amen.

 

Voilà le fruit offert par Bing : une pomme de supermarché.
Un fruit où tout est bien, et où tout est mesuré,et où tout est calibré et théologiquement calé et où tout est convenu et tout est lisse, affreusement et tristement lisse et assurément brillant dans cette prédication pondue en 7 secondes chrono par une intelligence artificielle à laquelle Microsoft me donne accès sur le PC dont je dispose.

 

Ce fruit parfait à la rhétorique parfaite. Est-ce celui qui va nous nourrir ?
Ce discours entendu et mot pour mot attendu, est-ce celui qui va nous rejoindre, et nous toucher, et nous questionner, et peut-être nous aiguillonner ? Chacun répondra.

 

Personnellement, et loin de la lecture classique et très consensuelle que Bing nous a re-servie, je note qu’on parle beaucoup dans cette parabole du propriétaire qui a en charge et en souci la productivité de sa vigne et de l’efficacité de son personnel,

 

je note que le récit rapporte que ledit personnel est très sourcilleux sur sa rétribution, je note que la notion de contrat entre le maître et les ouvriers est prépondérant. « Voilà pour quoi je t’engage, voici en quoi je m’en engage vis à vis de toi. Voici : signons maintenant. »

 

je note que la réaction des travailleurs de la 1ère heure (jaloux des ouvriers de la 11ème heure) est finalement assez facile à comprendre. Il est facile de s’y identifier. « C’est pas juste »: c’est une réaction classique de notre humanité.

pedrito33 de Pixabaymais je note aussi que ce passage de l’Évangile de Matthieu fait finalement assez peu cas d’une générosité première, insoupçonnée, et peut-être négligée : la générosité …de la vigne.

 

La vigne, dans cette histoire, n’est qu’un élément du décor, un support pour une question d’abord comptable, contractuelle.

 

D’accord, on dira que le maître de la vigne fait oeuvre d’une largesse scandaleuse au regard de ceux qui ont trimé tout le jour, quand ils réalisent qu’ils ne sont pas plus payés que ceux qui n’ont travaillé qu’un tout petit peu.

 

Mais la largesse, la générosité, la bonté évidente et tellement naturelle qui devrait s’imposer en premier, c’est celle qui va tellement de soi qu’on l’oublie : c’est le fait qu’il existe une vigne qui donne du fruit.

Gratuitement. Sans rien demander en retour.

 

N’est-ce pas là le seul et unique et incroyable miracle de cette histoire ?

 

Ce n’est pas une histoire comptable qui nous est proposée dans cette parabole. La vigne n’est pas le simple cadre d’une revendication sociale ou syndicale mise en scénario dans un passage d’Évangile. Au contraire, changeons notre regard ! La vigne, dans son caractère le plus précieux, c’est elle qui est le personnage principal de cette histoire. C’est elle qui se tient au premier plan. Étrangement, il est rare que nous prêtions attention à ce qui se tient depuis toujours devant nous.

 

Mon ami, (mes frères et soeurs, comme dirait Bing) :

 

tu penses avoir construit ta vie, tout réussi,

 

tu penses la maîtriser, de son début à sa fin, de son origine à sa finalité,

 

tu penses te débattre avec tes seuls bras dans le flot de l’existence, et revendiquer et justifier ton bon droit de toutes tes pauvres forces,

 

tu crois que ce que tu vaux est conditionné par ce que tu possèdes, par ce que tu accomplis ou par ce que tu es à même d’offrir, si généreusement autour de toi,

 

parce qu’on te l’a appris, parce que tu juges que c’est comme ça qu’il faut se comporter, parce qu’il faut être garant et responsable de l’image que tu donnes de toi-même..

 

Mais, mon ami, mon frère, ma soeur, en vérité :

 

cette vigne se présente à toi. Elle te précède, et peut-être qu’elle te suivra.

 

alors, finalement en cette vie-là, dis-moi, qu’as-tu que tu n’aies reçu ? AMEN

 

Loïc de Putte

Contact