Le souffle du Dieu fort

Prédication de Pentecôte 2023, à Angers et à Cholet Actes 2.1-13 Matthieu 7.24-27

Il s’est acharné, le mauvais temps, sur les 2 maisons.
Il a soufflé, le vent, sur les 2 maisons !

 

Vous connaissez l’Échelle de Beaufort ? Du calme plat à l’ouragan, elle nous offre 12 échelons à gravir pour décrire la force du vent.

 

Les repères que nous présente l’échelle de Beaufort sont très utiles pour les annonces météorologiques.
Sur les deux maisons de la parabole de Jésus, on a dû observer un vent de force 10, 11 ou 12 !

 

Laissez-moi vous présenter une autre échelle de mesures : l’Échelle du Dieu-Fort.
Sur cette échelle il y a …7 échelons !

 

Écoutez, en Gn , 1-12 : « Lorsque Dieu commença la création des cieux et de la terre, la terre était tohu-bohu, une ténèbre sur l’abime, le souffle de Dieu planait sur les eaux. »

 

Voilà que se lève le Souffle de FORCE1, une force qui domine le chaos, ainsi que les eaux sombres.

 

Écoutez, en Gn 2,7 : « Le Seigneur a façonné le terreux avec de la poussière de la terre : il a soufflé dans ses narines, un souffle de vie ; et voici le terreux un être vivant. »

 

Voilà que se lève le Souffle de FORCE2, une force de vie, qui anime la matière inerte.

 

Écoutez, en Es 61,1 : « Le souffle du Seigneur Dieu est sur moi, il a fait de moi un Messie pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres…

 

Voilà que se lève le Souffle de FORCE3, une force qui nomme, qui désigne, qui habite et qui protège.

 

Écoutez, en Lc 1, 35 : « Le souffle saint viendra sur toi, et la puissance du Très Haut mettra son ombre sur toi et c’est pourquoi l’enfant sera saint et sera appelé fils de Dieu. »

 

Voilà que se lève le Souffle de FORCE4, une force mystérieuse qui agit en nous, nous associe intimement à plus grand et ouvre une page d’histoire nouvelle et inattendue pour nous, pour le monde.

 

Écoutez, en Jn 3, 8 : « Le souffle où il veut souffle et tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient, ni d’où il va ; ainsi quiconque est né du souffle. »

 

Voilà que se lève le Souffle de FORCE5, une force sur laquelle personne n’a la connaissance, ni la prévision, ni la maîtrise, et qui nous engendre d’En-haut, qui nous fait naître à une existence qui appelle à la confiance.

 

Écoutez, en Jn 20, 22 : « Et ayant dit cela, il souffla et il leur dit : « Prenez le souffle saint ».

 

Voilà que se lève le Souffle de FORCE6, une force qu’on n’acquiert pas de soi-même à force de discipline et d’entraînement à la salle. Une force qui vient d’un autre, comme un cadeau.

 

Écoutez enfin, en Ap. 22, 17 : « Le souffle et l’épouse disent « Viens ». Que celui qui entend dise « Viens » ..Le témoin de livre dit « Oui, je viens bientôt ». Amen Viens, Seigneur Jésus. »

 

Voilà que se lève me Souffle de FORCE7, une force qui ne repousse pas, qui n’écrase pas, qui ne chasse pas. Alliée à l’épouse, elle invite, elle accueille, elle est ferment de la promesse, elle est enracinement dans la prière et l’espérance.

 

Sur l’échelle du Dieu-Fort, le force du Souffle est variable, non pas en force d’action ou de destruction (de 1 à 7 allant crescendo), mais en puissance de vie, multipliée à l’infini.

 

Sur l’échelle du Dieu-Fort, le souffle révèle en nous quelque chose d’insoupçonné, qu’on ne pouvait imaginer, quel que soit l’échelon sur lequel on se trouve !

 

Je vous propose une Expérience.
J’ai besoin d’un volontaire.

 

– Tiens : qu’est-ce que c’est ?
– Un pain de savon.
– Essaye de souffler … sur ce savon.
– … (il souffle)
– Qu’est-ce qui se passe ?
– Rien. Quand on souffle sur un pain de savon, il ne se passe RIEN.
On peut souffler de toutes ses forces sur un savon, il restera immobile, il ne bougera pas.
Un ouragan (force 12 sur l’échelle de Beaufort), peut-être, enverra le savon massif dans les airs, mais on ne le retrouvera pas.

 

Alors, allons plus loin dans l’expérience.
Voici du savon, sous une autre forme.

 

– Que vois-tu ?
Un flacon de savon liquide, pour faire des bulles. (Montrer un flacon de savon à bulle, avec son cerceau)
– Essaye de souffler … sur ce savon. Pour que ça marche, il faut souffler doucement. Sinon, il ne se passera rien. Si le souffle est trop fort, tout sera détruit, il n’y aura rien à espérer.

 

En effet, il faut faire attention, la pellicule de savon est toute fine, elle est fragile, elle est précieuse. La force du souffle doit être maîtrisée finement pour faire quelque chose de joli.
Le souffle doit respecter les qualités du savon. Il doit la prendre en compte.

 

Une tempête de force 11 ou 12, ça détruit tout.
Un souffle fin et léger, et c’est la bulle de savon qui naît.
Et quand la bulle de savon se crée, c’est merveilleux :

 

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– merveille esthétique : c’est beau, d’une finesse et d’une légèreté incroyable, cette transparence et ces couleurs chatoyantes qui se déplacent à la surface son infinies et surprenantes
– merveille mathématique : ça forme un sphère parfaite
– merveille chimique : ça répond aux propriétés des molécules qui constituent le savon
– merveille physique : ça répond à des lois de pression, de physiques des fluides très précises…
– merveille métaphysiques : ça existe, et d’un coup, ça n’existe plus, une bulle de savon, c’est éphémère, et ça fait réfléchir sur nous-même, sur le monde, sur ce qui arrive…
– merveille poétique : ça nous transporte directement dans un autre monde…

 

Pourquoi suis-je passé par cette expérience ?
Parce que je pense qu’elle illustre bien le souffle de Dieu qui s’exprime dans toute sa variété et sous toutes ses forces sur l’échelle du Dieu-Fort.

 

Nos vies peuvent connaître des tempêtes qui nous malmènent. Force 10, 11 ou 12 sur l’échelle de Beaufort. Comme sur les deux maisons.
Mais ces coups de vent, ils ne viennent pas de Dieu.

 

Le souffle du Dieu-Fort, c’est pas un souffle à décorner les bœufs, à détruire les maisons ou à faire s’envoler les pains de savons. Le souffle du Dieu-Fort, c’est ce souffle tout doux, soutenu et maîtrisé, qui traverse le cercle pour créer ces bulles qui nous émerveillent tant.

 

Ce souffle respecte la matière sur laquelle il va agir.
Ce souffle, il va tout faire pour faire de cette matière quelque chose de joli, de merveilleux.

 

Cette matière, nous en faisons partie.

 

Comme la fine pellicule de savon, si fragile, si dérisoire, si sensible (un coup trop fort, et la bulle, elle éclate), nos vies ont à se présenter dans toute leur fragilité, dans toutes leurs hésitations, dans tout leur déploiement, dans toute leur étendue, en absolue confiance, sous le souffle du Dieu-fort.
Et peut-être pas comme un pain de savon, massif, sûr de lui, de son efficacité. Pas comme un pain de savon arrogant d’avoir tout compris sur la vie, l’histoire et l’ordre des choses.
Non, pas comme un pain de savon.
Mais comme une fine pellicule sensiblement disposée sous le Souffle, prête à l’accueillir, prêt à se laisser rejoindre.

 

C’est ce souffle-là, efficace et agissant, mais infiniment respectueux des êtres et des choses, qui a rempli la maison où étaient réunis les apôtres au moment de la Pentecôte.

 

Ce moment où le souffle a surgi, où les flammes de feu se sont réparties en chacun, on a dit que c’était le moment de la naissance de l’Église.
A partir de ce moment, Jésus, le Maître n’est plus présent physiquement, il n’est plus perceptible au moyen de visions, mais c’est par le Souffle saint, l’Esprit de Dieu qu’il fait naître son Église, il la laisse grandir, mais pas seule : assistée et aidée par ce Souffle Saint offert. Le souffle du Dieu-Fort.
Pentecôte, c’est donc le jour de la naissance de l’Église, et nous fêtons ce dimanche un peu son anniversaire.

 

Alors je me demande : pour être vraiment fidèle qu souffle du Dieu-Fort, quelle forme doit prendre notre Église ?

 

La forme d’un savon massif, solide, sûr de son efficacité pour décrasser les zones sales du monde, persuadé de sa capacité à traverser le temps ? Solide par son bagage, par son langage, par ses élans, par ses projets, par sa place dans la Cité, par son histoire, par ses prétentions ?

 

…ou alors notre Église doit se tenir dans toute sa fragilité.

 

Fragile, mais disponible, ouverte en son cercle, et prête à recevoir ce qui vient de l’extérieur ?

 

Le souffle même du Dieu-Fort.

 

Petite leçon que nous apporte un coup d’œil jeté vers le passé, dans l’Histoire de l’Église qui est née à la Pentecôte : ce n’est pas aux périodes où elle était triomphante, campée, sûre d’elle, comme un pain de savon, arrogante et donneuse de leçons, ce n’est pas à ces moments-là que l’Église a été la plus fidèle à l’Évangile. Au contraire.

 

Je crois, oui, je crois en la fidélité évangélique de l’Église dans toute sa fragilité, sa légèreté, dans toute sa transparence, aussi.

 

Éphémère, la bulle, mais infiniment, légère, poétique, et bouleversante de pureté, et de simplicité.

 

Elle est là, la bulle de savon sous le souffle de l’enfant.

 

Elle est là,  l’Église du Christ, sous le souffle du Dieu qui nous aime et nous bénit. Amen

 

Loïc de Putter

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