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Le Bon Samaritain, Luc 10, 25-37
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PREDICATION
Image par falco de Pixabay
Il y a des passages dans la Bible qui sont tellement connus qu’ils font partie de la culture générale. La parabole du Bon Samaritain, comme on a l’habitude de l’appeler, en fait partie. L’expression « être un Bon Samaritain » fait partie du langage courant. Un Bon Samaritain c’est celui qui voit la souffrance des autres et leur tend la main.
L’histoire est connue, mais prenons quand même le temps ce matin de la relire car parfois, quand un texte nous est trop familier nous avons tendance à ne pas le lire vraiment.
Ce texte est une parabole. Une parabole, c’est une petite histoire que raconte Jésus pour faire passer un message. Le texte est très visuel : il y a tout d’abord un homme qui descend de Jérusalem à Jéricho. Avec un peu de fréquentation des textes bibliques, on pressent que les choses ne vont pas forcément bien se passer pour lui. En effet, symboliquement, à Jérusalem on se trouve en haut, près du Temple donc proche de Dieu. S’éloigner de Jérusalem c’est quelque part s’éloigner de Dieu. Et voilà, sur sa route, l’homme rencontre des bandits qui l’agressent et le détroussent, le laissant pour mort dit le texte.
C’est alors que trois nouveaux personnages entrent en scène : Tout d’abord un sacrificateur, c’est-à-dire un homme d’Eglise important. Un de ceux qui géraient le temple, haut lieu de la religion juive, une personne haut placée et influente. Une de ces personnes qui s’intéressent certainement aux autres mais sous l’angle des statistiques ou de lois générales pour le bien de tous. Lui, il n’a pas le temps de s’occuper des individus. Il ne voit sans doute qu’à peine cet homme blessé au bord de la route. Il a l’esprit très pris par ses affaires, toujours de la plus haute importance.
Le second personnage à passer est un lévite. Donc un homme faisant partie de la tribu d’Israël mise à part pour le service de Dieu. Ils peuvent être des assistants des sacrificateurs, mais plus largement représentent le clergé. Aujourd’hui on pourrait peut-être faire un parallèle avec les pasteurs, les prêtres voire les diacres ou toute personne engagée dans l’église. Les auditeurs de Jésus doivent se dire : lui au moins il va s’arrêter. Mais le problème c’est qu’à l’époque de Jésus ces personnes-là sont obnubilés par une chose : la pureté. Ils mettent beaucoup d’attention à ne rien toucher d’impur, ce qui les empêcherait de remplir leur rôle. Or le texte dit que l’homme est blessé. Sans doute saigne-t-il. Lui porter secours pourrait signifier pour le lévite toucher du sang et ainsi se rendre impur. Entre aider un homme blessé et rester pur, le choix est vite fait. Leur fonction ne l’exige-t-elle pas finalement ?
Passe enfin le troisième, un Samaritain. Les Samaritains étaient détestés des Juifs. En effet eux aussi lisaient la Torah, mais n’avaient pas su garder la religion juive intacte, pure, selon ses lois orthodoxes. Imaginez, ils n’adoraient même pas Dieu à Jérusalem mais sur le Mont Garizim. Les Juifs les méprisaient, les détestaient. Ils étaient pires à leurs yeux que des étrangers. Aujourd’hui, on peut mettre sur cette image du Samaritain tous ceux que notre société méprise, jeunes des banlieues, étrangers sans papiers, jeunes sans morale, personnes âgées dépendantes, sans oublier les homosexuels, les Juifs etc. On pourrait aussi penser aux chrétiens d’une autre tendance que la nôtre, ceux dont on est sûr qu’ils détournent la vérité de l’Evangile. Et c’est lui, celui qu’on n’attendait pas, qui voit l’homme en souffrance, qui s’arrête, le soigne lui-même, et s’occupe de lui sans lésiner sur la dépense.
Quand nous lisons cette parabole, nous cherchons spontanément à nous identifier à ces trois personnages qui passent, en nous demandant ce que nous aurions fait en voyant l’homme blessé. Et le Samaritain, qui devient le Bon Samaritain dans la littérature, est notre modèle à suivre. En effet, il est celui qui a vraiment pris soin de l’autre, de son prochain.
Et pourtant, contre toute attente, ce n’est pas le message de Jésus ici. Reprenons le texte. Jésus a été pris à partie par un homme de loi, donc un garant du bon ordre et de la morale. Cet homme cherche à le piéger et lui demande ce qu’il faut faire pour être bien vu de Dieu et gagner la vie éternelle. La réponse en elle-même ne l’intéresse pas. Il a ses propres convictions et se sait du bon côté, celui des justes. Son intention est de piéger Jésus, dont le discours dérange. Jésus bouscule les catégories sociales, s’intéresse aux pauvres, aux prostituées, aux lépreux,
guérit les malades, même le jour du sabbat, même s’ils sont étrangers, remet en cause les règles de bonne conduite. Jésus fait passer l’homme avant la Loi. Il voit, non les actions, mais ce qui est dans le cœur. C’est insupportable. L’homme de loi veut arrêter le discours subversif de Jésus en faisant en sorte qu’il puisse devenir condamnable aux yeux de la Loi. « Que dois-je faire pour satisfaire Dieu ? » demande-t-il. Mais Jésus, en réponse à cette question, en renvoie une autre à cet expert de la Loi : Eh bien la Loi, que dit-elle ? L’homme répond de façon juste : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée et ton prochain comme toi-même ».
Et Jésus de le féliciter pour sa bonne réponse. Alors l’autre, énervé sans doute, continue la polémique : « et qui est mon prochain ? ».
Jésus répond alors par notre parabole. Mais il ne propose pas à l’auditeur de se mettre dans la peau de ceux qui passent près de l’homme blessé, mais dans la peau de l’homme blessé. En effet la question de Jésus est « Qui est le prochain de l’homme attaqué par les bandits ? ». Alors nous aussi changeons de perspective.
Reprenons l’histoire en nous mettant dans la peau du blessé cette fois-ci. Tout va mal pour nous. Un homme influent passe. Va-t-il s’arrêter ? Nous connaissons son investissement pour le bien de tous. Hélas il ne nous jette qu’un coup d’œil rapide, il a des choses de la plus haute importance à gérer en vue du bien commun. Un homme de foi, un homme de bien passe ensuite.
Lui au moins va s’arrêter. Mais il ne nous jette qu’un regard méprisant, ayant peur peut-être d’être contaminé par notre malheur. Puis un Samaritain passe. Oh lui ! Pourvu qu’il ne me voie pas ! Qu’il ne s’arrête pas ! Et pourtant c’est lui qui s’arrête, me soigne, paie les frais d’hôpital. Alors Jésus pose la question, écoutez bien : « qui est le prochain de l’homme blessé « . « qui est mon prochain, à moi qui suis blessé, qui dois-je aimer comme moi-même ? » Et nous ne pouvons que répondre, comme l’homme de loi, avec peut-être un grand soupir: « le prochain à aimer est celui qui a fait preuve de bonté envers le blessé. C’est le Samaritain, celui que je méprise ». C’est lui mon prochain, celui que je dois aimer, car c’est lui qui a pris soin de moi.
Jésus bouscule toutes nos représentations. Il nous déplace pour changer notre vision du monde et nous faire partager la sienne. Notre tendance naturelle est d’aduler les gens puissants, que ce soit dans le domaine religieux, politique ou social, d’aimer ceux qui nous ressemblent, de leur donner un coup de main s’il faut. Mais aussi de mépriser ceux qui sont différents, ceux qui sont faibles, ceux qui ne pensent pas comme nous ou ne vivent pas comme nous.
Jésus ne juge pas les humains en fonction de nos catégories. Il regarde non pas qui nous sommes socialement mais qui nous sommes à l’intérieur de nous-mêmes. Il voit les qualités humaines, la capacité à aimer l’autre et à lui tendre la main quand il est dans le malheur, au-delà des apparences, des habitudes alimentaires, des styles vestimentaires, des croyances, des codes sociaux, de la richesse, du pouvoir, Par la Parabole du Bon Samaritain, Jésus nous invite ce matin à voir les autres comme lui les voit. Il n’y a pas d’un côté des gens haut placés, des
gens biens, et de l’autre des gens méprisables, mais seulement des gens qui passent à côté et d’autres qui s’arrêtent. Il y a tous ces véritables prochains à aimer comme nous-mêmes, ces personnes qui font véritablement le bien, quelles qu’elles soient. Ouvrons notre regard pour aimer, non pas de façon restrictive comme l’homme de loi en ne s’intéressant qu’aux bien-pensants, mais de façon large comme Jésus le fait, en regardant les cœurs.
« Aime ainsi et tu vivras » dit Jésus. AMEN
Françoise Giffard
Juillet 2025
CONTACT – N° 78