Livres

PENSER LA FOI
Pour un libéralisme évangélique
André Gounelle (Van Dieren, éditeur 2006)
Certains d’entre vous ont certainement lu ce livre paru il y a 18 ans. Pour ceux qui ne le connaissent pas, je dirai qu’il est plus que jamais d’actualité, dans un temps où certains sembleraient tentés par un retour mortifère à la tradition. Il ne s’agit pas, dit l’auteur, d’une « dogmatique » libérale. Un tel projet se contredirait lui-même !
Dans un premier temps, une soixantaine de pages donnent des repères pour une approche du protestantisme libéral. Que veut dire « libéralisme » ?
Quand le protestantisme libéral est-il né ? Comment a-t-il évolué en lien avec la modernité ? Est-il, comme certains l’ont dit, un danger pour la foi ? Ou au contraire enfonce-t-il des portes ouvertes, selon d’autres ? N’empêche-t-il pas plutôt de « céder trop vite à des facilités, à des paresses, à des tentations qui ne sont pas dépourvues de danger ? »
Dans un deuxième temps, l’auteur donne des pistes, à travers les démarches et perspectives d’un théologien libéral. Tout d’abord, quelles images de Dieu la Bible donne-t-elle ? Ce que nous en disons appelle toujours un correctif. « Parler de Dieu se fait toujours en tension entre des affirmations qui s’opposent… La vérité surgit de leur affrontement. ». « Dieu reste Dieu même quand il s’incarne (à supposer que ce mot convienne bien pour parler de Jésus) et le croyant demeure humain, même quand, par le salut et l’action de Dieu en lui, il devient une nouvelle créature. »
Ensuite, quelle signification donner au mot « christ » au-delà du sens étymologique et du titre qui qualifie Jésus? C’est « un agent de Dieu dans le monde, un porteur de sa présence et de son action parmi les humains. » dit André GOUNELLE. L’auteur analyse plusieurs textes, précisant que ce qu’il avance « appartient au domaine de l’hypothèse » qu’il croit « défendable », « sans prétendre qu’elle soit démontrée et certaine ». De même, suivent des considérations sur l’Esprit, sur la création, sur le salut, sur la prière, sur les sacrements comme actes culturels, instruments pour signifier l’évangile dans un
contexte donné. « La priorité ce sont les êtres humains non les cérémonies ». Il évoque aussi la notion de miracle « extraordinairement complexe et confuse …
En traduisant chaque fois par miracle des termes différents, nos versions nous égarent. »
Pour terminer l’auteur évoque les religions en dialogue. Quelle est la condition du dialogue ? Le but poursuivi dans le  dialogue ? Les critères du dialogue : « Nous avons tous une approche et une perception des autres qui dépend de notre propre appartenance religieuse. » André GOUNELLE propose deux critères.
Le 1er d’ordre éthique : la transformation (positive ou non) que la religion opère sur le croyant. Le 2ème : la lutte que mène (ou non) cette religion contre sa propre divinisation.
Cet ouvrage est écrit dans un langage clair et intéressera toute personne et pas seulement les lecteurs ayant quelques notions de théologie.
Roseline CAYLA

LA COHABITATION DES RELIGIONS. Pourquoi est-elle si difficile ?
Roger Pouivet. Janvier 2024 collection « Épures » Presses Universitaires de Rennes.
L’auteur est un spécialiste de philosophie de la religion. Dans sa réflexion sur les croyances religieuses, « il défend la thèse que le croyant n’a pas vraiment à présenter des justifications de ce qu’il croit sans pour autant que ce soit en rien irrationnel. » (Wikipédia)
Vous aurez compris que ce bref ouvrage (122 pages) ne se lit pas en une heure ! Dans l’avant-propos, l’auteur pose la question de la cohabitation des religions différemment de la sociologie et des sciences politiques, et propose d’examiner les questions de théologie. Autrement dit, il ne retiendra pas le souci exprimé par les croyants de tout bord, du « vivre ensemble », qui s’exprime souvent ainsi : « Nous avons tous le même Dieu auquel l’on rend diversement hommage, sous divers noms… », « Dieu est au fond du cœur de chacun… », « … il suffit de partager des valeurs humaines, l’amour universel… » Remarquons  que toutes ces affirmations supposent que nous considérions tous, quelle que soit la religion que nous suivions, ou que nous n’en ayons aucune, que Dieu (s’il est), est unique et au-delà de ce que les uns ou les autres peuvent en dire… Au contraire  l’auteur s’attache au pied de la lettre, au pied des dogmes.
Bref, opposé à la façon commune de voir les choses, il considère que les différences entre les religions ne sont pas anodines et que ce n’est pas en les gommant qu’il peut y avoir dialogue entre elles. Mais peut-il y avoir réellement dialogue puisque chacune prétend être la « vraie » religion ? Soit toutes se trompent et il n’y en a aucune de vraie, soit l’une effectivement est vraie ( vous aurez sans doute compris à ce stade , que l’auteur est catholique) et les autres se trompent. « Non, la vérité n’est pas indifférente s’agissant de la religion ; elle n’est pas multiple ; elle n’est pas relative. » C’est ce qu’il tâche de démontrer en trois chapitres répondant à trois questions :
1- En quoi la nature même des croyances religieuses donne-t-elle la raison principale de leur inévitable désaccord ?
2- Le pluralisme religieux , selon lequel il existe plusieurs vérités religieuses, est-il une évidence ou un sophisme ?
3- L’exclusivisme religieux selon lequel il n’existe qu’une seule vraie religion, est-il défendable, ou n’est-ce que la marque d’une intolérance qui menace toutes les religions ?
Chaque chapitre présente quatre subdivisions (ou trois pour le second), elles-mêmes subdivisées, ce qui permet de suivre la « démonstration » sans s’y perdre…
Ch.1 Après avoir constaté la diversité des religions et leur désaccord qui découle du désaccord des croyances il tente d’examiner la question de la rationalité des religions. « Pour être chrétien, il faut et il suffit de l’accepter (le credo). » Et il énumère les articles du credo et leurs références bibliques…Il prévoit les objections et pour finir montre la rationalité des désaccords religieux. La source des conflits de religion ne serait-elle pas cette confusion de la croyance et de la connaissance, disent certains ? La solution serait-elle alors de bien séparer la sphère de la croyance, (privée), et celle de la connaissance, (publique, justification rationnelle) ?
D’un côté, croyance ,subjectivité, émotion, désir, etc. mais aucune garantie de vérité ; de l’autre, connaissance, objectivité, rationalité etc. . L’auteur voit dans cette thèse des deux régimes, l’idéologie dominante. « C’est le scénario positiviste, dit-il, de la Science l’emportant sur la Métaphysique et sur la religion .Certains en concluent que tout irait bien si les croyances religieuses restaient confinées dans le domaine privé. (…) Surtout que nul ne prétende savoir, avoir raison, être dans le vrai, alors qu’il ne fait que croire, vouloir et ressentir ». (En ce qui concerne cette dernière affirmation, c’est ce que dit, il me semble, la société laïque et ce n’est pas si mal, je trouve.) « Cette thèse permet aussi de réaccorder les religions dans la vie culturelle, et d’insister plutôt sur des pratiques que sur des vérités. (…) Dans une grande métropole, on fête successivement Noël, Hanoucca, Diwali, Boghi,(…) etc. Tourisme culturel à domicile. Certaines variétés religieuses intègrent aujourd’hui ce scénario comme une défense de la diversité culturelle plutôt que celle d’une unique vérité. D’autres revendiquent une identité culturelle ( …) et là encore, plutôt que de parler de vérité. » « Or les désaccords religieux sont liés à l’incompatibilité entre des certitudes incompatibles.
Quand on est convaincu pourquoi devrait-on s’incliner devant la distinction entre croyance et connaissance ? » Cette phrase vous fera peut-être dresser les cheveux sur la tête, (du moins c’est mon cas!) puisqu’il en vient à faire de la croyance « une connaissance robuste » car « toute connaissance reste instable ».
Je résume : « Le désaccord tenant à ce que sont les religions, une affaire de vérité, il est radical. Il peut certes s’apaiser par des mesures sociopolitiques, bienvenues en ce sens. Mais ce désaccord reste inhérent à la différence des croyances. »
Me voilà au ch. 2. Vous le détaillerai-je comme le ch.1 ? J’y serais encore pour deux pages de plus à écrire. Donc je ne le ferai pas ! Sachez qu’il est (à mes yeux) encore plus intéressant que le ch.1.
Il examine l’argument de la pluralité, la pluralité des pluralismes (et comment on passe, de là, à ce qu’il appelle le conciliationisme, puis au scepticisme). Il définit ensuite ce qu’il entend par « le croyant rationnel et raisonnable », parle d’ œcuménisme, d’« inclusivisme » (qui n’a pas son agrément), avant d’évoquer « l’unique vérité ». (Nous y voilà !)
Arrive le ch.3 qui enfonce le clou : « La vraie religion ». Se pose, alors la question : l’exclusivisme est-il scandaleux ? Est-il arrogant ? Non puisque dans chaque monothéisme, la vérité est donnée aux croyants …par une révélation divine ! Mais, (si je puis me permettre cet aparté), comme dit César, dans la pièce éponyme de M. Pagnol, quand Panisse mourant accepte de recevoir le prêtre : « C’est entendu, le bon dieu c’est le nôtre ! Mais alors je pense que sur la terre, il y a des tas de gens qui se
font couillonner ! ». Alors : « Comment vivre avec ceux qui ont tort ? » Peut-on être chrétien sans le savoir ? « Dieu reconnaîtra les siens. » « Mais ce n’est pas une raison, dit l’auteur, pour rejeter la thèse exclusiviste, la thèse d’une seul vraie religion. »
« Comment les religions ne seraient-elles pas prosélytes sans cesser de prétendre à la vérité, et donc sans cesser d’être ce qu’elles sont ? Depuis le début de son ouvrage , l’auteur considère non pas « Dieu s’il est »(qui demeure inconnu), mais «Dieu » selon telle ou telle affirmation religieuse (forcément puisqu’il est question de religion!) Affaire de langage ! dans ce cas il est évident que nous n’avons pas tous le même Dieu, car il y a « asymétrie de description » ! Alors que faire ? Nous ne sommes pas plus avancés.
Peut-être aurons-nous compris que « les autres » puissent nous considérer comme étant dans l’erreur puisque nous considérons qu’ils le sont !!
Roseline CAYLA

QUAND LA PAROLE DÉTRUIT
Monique Atlan (journaliste et essayiste) et Roger-Pol Droit (philosophe, auteur d’une quarantaine d’ouvrages traduits en plus de trente langues)

(Ed. L’Observatoire 2023)

Dans cet ouvrage de 305 pages, dans une écriture accessible à tout lecteur, les auteurs se proposent d’explorer ce paradoxe : « Chaque jour, se propagent des messages par milliards.(…)Pourtant, il se pourrait que nous n’ayons jamais si peu parlé. Ni aux nôtres, ni aux autres. » Certes, comme on dit aujourd’hui « la parole se libère », pour dénoncer les dominations abusives etc , mais aussi sans limites et sans garde-fous , propageant alors la haine et se substituant à la justice.
« Si ce livre , disent ses auteurs, devait tenir en une phrase, ce serait : « N’oubliez pas que parler peut faire vivre ou mourir, peut édifier ou détruire, c’est pourquoi rien de ce que vous dites, écrivez et répétez n’est sans conséquence. »
Il ne s’agit pas d’empêcher qui que ce soit de parler mais de permettre , en tout lieu, de donner la possibilité de répondre.
L’ouvrage comporte quatre grandes parties. Dans la première, les auteurs exposent ce à quoi sert la parole . La communication est la fonction à laquelle on pense. Pourtant le mot lui-même selon les contextes a diverses significations. surtout la parole ne dit pas seulement le monde, « elle crée des multitudes de mondes ». En cela elle distingue et définit l’humanité. Dans la deuxième partie, les auteurs voyagent à travers les traditions qui, par des contes et des récits, ont toutes ( à l’exception de la Chine semble-t-il…)exposé la dynamique toxique que peut avoir la parole. Dans une troisième partie, ils posent la question : la parole est-elle aujourd’hui en danger ? La quatrième propose quelques pistes pour « résister », entre autres, elle pose la question de la régulation des réseaux sociaux , et celle de la responsabilité collective ou individuelle. Une conclusion d’une dizaine de pages nous enjoint de « parler l’humain » c’est-à-dire, garder à l’esprit « le rôle que (les mots) jouent dans les bonheurs et malheurs de chacun comme de tous ».
«  Ce super-pouvoir, aussi fragile que fort, il nous appartient de le reconnaître, de l’ exercer, de le transmettre, de le protéger des risques nouveaux qui le menacent, et d’inventer, pour sa reviviscence, quantité de dispositifs inédits. Nous n’avons pas d’autre choix. » On pourra trouver ces auteurs bien pessimistes, mais peut-être aussi, simplement lucides. En tout cas rien n’est perdu, à nous de nous adapter au monde actuel sans renier nos principes humanistes, et même en résistant au nom de ceux-ci. Du passé on ne peut faire table rase, mais à nous de l’utiliser pour avancer vers un monde toujours plus humain.
Ce livre est à la B.M . Rue Toussaint à Angers sous la cote 153.6 ATL.
Roseline Cayla

LETTRE A MES ENFANTS ÉLOIGNÉS DE L’ÉGLISE pour leur raconter ma foi.
Antoine Nouis (Labor et Fides 2023) (111 p. 15 euros)

Après Lettre à mon gendre agnostique pour lui expliquer la foi chrétienne , puis Lettre à ma belle-fille catholique pour lui expliquer le protestantisme, voici , du même auteur, Lettre à mes enfants éloignés de l’Eglise pour leur raconter ma foi.
Et c’est ainsi que j’ai appris à la moitié de ce petit livre, au 5ème chapitre, (celui sur la liberté !) qu’Antoine Nouis, depuis presque 8 ans maintenant, avait « démissionné du rôle des pasteurs de l’Eglise protestante unie de France » . Diable diable ! « Comment être libre au sein d’institutions qui génèrent mécaniquement du conformisme ? »dit-il. Dès le début du livre, avant que nous découvrions cette décision, « je suis mal placé pour défendre l’Eglise, dit-il, je sais trop bien qu’elle peut être ennuyeuse, enfermée dans ses traditions, en un seul mot indigne du message qui la fonde, mais je le suis aussi. » Il ajoute heureusement « L’Eglise est à l’image de ceux qui la composent, alors, avec votre mère nous avons fait le pari de la fidélité. » Fidélité à l’Evangile plus qu’à l’Eglise sans doute, puisque finalement il en est un peu sorti…pour faire Eglise hors de l’ institution, par exemple en imaginant le « Campus Protestant » (intéressante plate-forme de reflexion et de diffusion de la pensée et de la culture protestante, au travers de vidéos que vous pouvez trouver sur Youtube) ce qui ne l’empêche pas, dit-il, de faire un culte ici ou là … Mais revenons à son livre.
Antoine Nouis raconte l’acte de transmettre qui se fait d’abord dans la famille, mais n’est pas fait que de paroles. Il parle de l’importance des rites familiaux, des souvenirs communs, du scoutisme… Ensuite la foi relève de la liberté de chacun. Il parle de sa vocation, de sa décision de demander en mariage celle qui est devenue son épouse, en même temps qu’il a décidé de devenir pasteur ! Il parle de la grâce : « En étant à la fois dans la vérité de mon humanité (pécheur) et dans la paix devant Dieu (juste), la grâce me réconcilie avec moi-même et me permet de m’accepter comme je suis. » Et il cite Dietrich Bonhoeffer « Tu n’as plus besoin de te mentir à toi-même et aux autres en te faisant passer pour quelqu’un sans péché ». Il cite d’ailleurs de nombreux autres auteurs, théologiens ou non, tout au long de son livre, et également de nombreux passages bibliques appliqués aux sujets qu’il évoque, ce qui fait que ce récit de vie propose indirectement maints sujets de réflexion, qui peuvent aider chacun à repenser sa vie, ses choix, ses relations avec ses enfants, plus généralement ses relations dans la communauté humaine .Libres, certes, mais «  le Nouveau Testament nous appelle à vivre nos engagements en solidarité avec des frères et des sœurs. »Antoine Nouis s’est nourri de la pensée de Jacques Ellul qui articule foi chrétienne et analyse de la société. En fait, je dirai que chaque chapitre ou sous-chapitre est …quasi une méditation ou une prédication, sur la foi, sur l’amour, sur l’espérance et pour finir sur la mort. Je ne sais pas s’il s’adresse vraiment à ses enfants éloignés de l’Eglise, d’ailleurs à un moment, c’est à son fils « engagé dans le ministère » qu’il s’adresse. De toutes façons ce petit livre reste intéressant même si nous ne l’offrons pas à nos enfants « éloignés de l’Eglise »…

Roseline C.

MOI, PAUL ! François Vouga
2005 Labor et Fides 2005 Bayard

François Vouga, venu il y a quelques mois, animer un WE sur l’Apocalypse de Jean, a écrit, entre autres travaux théologiques, une œuvre de fiction, qui met en scène l’apôtre Paul. Il a imaginé que Paul, à la veille de quitter Corinthe pour un troisième voyage à Jérusalem et avant de s’embarquer pour l’Espagne, a confié le manuscrit de ses confessions, à Timothée, son fidèle collaborateur .

C’est un subterfuge du théologien, pour rendre vivantes les épitres de Paul, dont nous retrouvons maints passages. ainsi que des épitres écrites sous son nom. Mais ces supposées « confessions »  de Paul se lisent comme un roman. Paul nous parle avec des mots d’aujourd’hui! Il se pose la question du « sens du message chrétien dans la banalité de la vie quotidienne. Quelle est sa signification dans une société qui n’est pas christianisée, qui s’organise selon des règles qui lui sont propres et avec lesquelles nos convictions entrent parfois en conflit . »(p.15)

Ces « confessions » s’organisent en 9 chapitres.Tout d’abord Paul fait le bilan de son apostolat en Galatie. Il évoque ce pays et son histoire. Comment transmettre la bonne nouvelle pour que les gens comprennent… Il oppose ce que les gens attendent en général d’un message religieux et la vérité qu’il est chargé d’annoncer.« Ce que j’entends par recevoir l’Esprit, c’est prendre conscience de vivre un changement personnel qui est donné par une parole qui nous a transformés ».(p.25) Il raconte ensuite son « appel », sa jeunesse à Tarse, Damas et Antioche. Puis son premier voyage et la prédication en Arabie. Son deuxième voyage, accompagné cette fois par Barnabas. Ses visites à J érusalem, ses rencontres avec Pierre, Jacques et Jean. On voit leur quotidien. Tous voyagent avec leurs épouses (!), sauf Paul, appelé à se consacrer entièrement à sa tâche … Il raconte ses séjours à Ephèse, Philippes , Tessalonique et Corinthe. Tout ceci est ponctué de temps d’arrêt et de réflexion. Il dit son 3ème voyage à Jérusalem avec les délégués des églises, et la collecte. Son désir de s ‘arrêter à Rome avant de s’embarquer pour l’Espagne.

« Je ne pars pas avec l’espoir, car j’ai été libéré de l’espoir, du besoin de tabler sur le futur, de remplir le présent, par angoisse et par incertitude intérieure, de probabilités, de spéculations et d’assurances illusoires prises sur l’avenir. Rien n’est si incertain que l’espoir. J’ai appris, depuis le jour où l’évangile a interrompu ma route vers Jérusalem et où il a cassé mon histoire en deux, à Damas, que la vie n’est pas faite d’espoir et qu’il importe de se préparer au lendemain en sachant qu’il ne nous appartient pas. » (développement sur ce thème p.276-277) Mais est-il jamais arrivé en Espagne ?

Enfin arrive la « Postface de Timothée, l’éditeur ». qui signale la visite de Luc lequel prépare une histoire de la mission en Occident ! Il évoque la fin de la vie de Paul qui a disparu, dit-il, peut-être dans un naufrage… Mais l’oeuvre de Paul se poursuit, après sa mort. « Les essais qui poursuivent désormais le développement de la pensée de l’apôtre marchent bien sur ses traces, mais ils le font pour ouvrir des chemins nouveaux. » (p.296)

Un livre qui rend Paul proche de nous et nous le fait aimer magré tout ce qu’on lui a reproché, un livre qui peut nous donner envie de lire ou relire les épitres.

(Je peux vous prêter ce livre si vous le souhaitez. Roseline Cayla.)

 

LES SECRETS DE L’APOCALYPSE. Mystique, ésotérisme et apocalypse. (Pierre Prigent, historien et bibliste) 102 p. Ed. du Cerf 2002
L’auteur examine d’abord quelques textes bibliques se présentant comme des « prédictions ». Par exemple Jérémie 25, 11-12, (du 6ème siècle avant notre ère) que 2 Chroniques 36, 22 a interprété comme l’annonce de la victoire de Cyrus roi de Perse sur l’empire babylonien. (Retour de l’exil babylonien en 515). Mais au 2ème siècle avant notre ère , Daniel 9, 24-27 y voit une autre signification : Antiochus IV Epiphane sera bientôt vaincu (164, soulèvement des Maccabées) .
On trouve des textes de ce genre aussi dans le judaïsme, textes supposés écrits par d’anciens personnages, Hénoch , Esdras, Baruch. Ces textes écrits dans des périodes difficiles pour Israël, veulent signifier qu’il faut garder foi car Dieu est le maître de l’Histoire. Chaque fois le message utilise des effets spectaculaires : visions, anges etc .
Une lecture rapide de l’Apocalypse de Jean pourrait donner l’impression d’un texte du même genre. Cependant « le message de l’Apocalypse est tout autre, c’est une révélation du présent » dit le bibliste qui met en regard les versets de Jr 50-51 et ceux d’Ap 17-18. Ils puisent dans les mêmes matériaux. Ap utilisé également la prophétie d’Ézéchiel contre Tyr. Mais l’auteur de l’Apocalypse, au-delà du sens qui semble clair ( allusions à l’empire romain) discerne dans les événements une signification plus profonde. Ce type de lecture se retrouve aussi dans des textes de Qumran, et c’est ce que le bibliste examine, faisant aussi état de textes de la mystique ésotérique juive qu’il nous fait découvrir. « On attend la Fin, mais seulement au titre d’achèvement ou de révélation universelle. Dès maintenant les fidèles en reçoivent les arrhes. » Le culte est « l’espace et le moment où la terre accueille et manifeste la présence du ciel et anticipe la Fin. »
L’auteur revient alors à l’Apocalypse pour l’analyser plus précisément. On a souvent interprété ce livre ainsi :« La Fin est déjà là, mais l’histoire des hommes continue, car Dieu n’a pas encore parachevé son œuvre.» Prigent y voit une erreur. Au-delà de ce qu’avaient pressenti les mystiques juifs, quelle est alors la spécificité de l’Apocalypse ? C’est la révélation de Jésus Christ : il ne faut donc pas seulement parler de déjà là et de pas encore, car tout est accompli. Dieu a remporté sur l’Ennemi la dernière victoire. Le jugement dernier est prononcé : c’est un verdict de salut qui est à recevoir simplement et à faire exister par la foi.
Pierre Prigent nous donne pour finir, quelques extraits des Odes de Salomon,une œuvre chrétienne syriaque du 2ème siècle dans l’esprit de l’Apocalypse.
Ce livre intéressera ceux ayant déjà abordé l’Apocalypse, qui trouveront ici un supplément d’informations pour mieux l’appréhender, mais aussi ceux qui ont envie de la découvrir, et peut-être revoir la tenture au château d’Angers ! (A la B.M. À Angers rue Toussaint, cote 228 066 PRI.)
Roseline Cayla

NOUS IRONS TOUS AU PARADIS Le jugement dernier en question.
Marie Balmary. Daniel Marguerat. (2016 Nouvelle édition au format poche , 1ère édition 2012 Albin Michel) 7,50 euros

« L’idée d ‘un Dieu Juge n’est plus vendable aujourd’hui… » C’est Daniel Marguerat, théologien protestant qui le dit ! C’est vrai qu’on aime mieux évoquer le Dieu qui nous aime et nous pardonne, plutôt que celui qui pourrait nous condamner .
En fait ce livre est le résultat d’un dialogue par correspondance entre le théologien et la psychanalyste Marie Balmary.
Dans un avant-propos, Daniel Marguerat rappelle que l’imagerie médiévale est à prendre comme « l’exhibition des terreurs populaires, dont l’exploration intéresse plus la psychanalyse que la théologie ». Mais la théologie peut interroger à nouveaux frais ces textes bibliques problématiques. Quant à Marie Balmary, elle réagit à une déclaration du théologien à la fin d’une conférence à deux voix sur le thème de la mort . Il avait déclaré : « Dieu se prononcera sur la vérité de chacun : pour son bonheur ou pour sa honte. » Tous deux s’étaient promis de s’expliquer à ce sujet . D’où ce livre, plusieurs années après !
Au fil des chapitres, les textes bibliques qui évoquent un jugement sont répertoriés, explorés, et Daniel Marguerat fait remarquer que, pas plus Jésus que Paul ne nous exemptent du Jugement dernier! Reste à savoir ce que l’on entend par là. Le théologien relève les métaphores diverses utilisées pour l’évoquer. On ne lit plus les textes comme on pouvait les lire au 1er siècle ou même à l’époque de Luther, lequel a « invoqué Marie afin de la dresser contre le juge sévère » ! La notion de Jugement dans la foi d’Israël, a été établie d’abord sur une rétribution à l’intérieur de l’Histoire : Dieu fait payer les infidélités d’Israël en lui envoyant des armées ennemies. Puis est venue l’idée que les fautes sont si grandes que Dieu interviendra lui-même à la fin des temps ! Selon Marguerat, « l’espoir du dernier jugement prend Dieu à témoin d’un monde devenu insupportable.(…) La foi au jugement est l’ultime barrage contre la prétention humaine de toute-puissance. » La foi au jugement dernier serait donc un acte de résistance au mal.
Je vous laisse découvrir cet échange intéressant, même si vous êtes un peu allergique à la psychanalyse ou à la théologie! Chaque fois, à un discours du théologien, en succède un de la psychanalyste. Si je regroupe les titres des chapitres de Daniel Marguerat, vous pouvez avoir une idée de son cheminement: 1-Fracas 3- Mystère d’autrui 5- Naissance du sujet 7- Eternité
Ceux de Marie Balmary sont peut-être plus énigmatiques: 2- Feu 4- Jugement premier 6- Recherche du jour 8-Gloire
Mais ils sont assez souvent d’accord …au-delà de leurs désaccords !

Roseline Cayla

DIEU INTERVENTIONNISTE ?

Olivier Pigeaud, Editions Olivétan, Parole Vive, 2014

Je me demandais cet été quel livre vous présenter, pas difficile à lire, pas long, vraiment pour tous, surtout même pour ceux que la théologie rebute ! Et bien, j’ai trouvé ce livre du pasteur Olivier Pigeaud, préfacé par Laurent Gagnebin et suivi d’une bibliographie commentée, pour ceux qui veulent aller plus loin. Dieu interventionniste ? Certains d’entre vous l’ont peut-être déjà lu, sinon vous le découvrirez avec profit. Vous vous souvenez peut-être, il y a quelques temps, notre pasteur Loïc nous avait fait réfléchir sur ce thème en évoquant divers textes de l’Ancien et du Nouveau Testament.

L’ouvrage d’Olivier Pigeaud est très bien organisé. Une première partie (5 p.) présente des textes bibliques montrant des façons très diverses de concevoir et de ressentir l’action de Dieu dans le monde.
D’abord c’est le Dieu qui fait la pluie et le beau temps, ce n’est pas nouveau pour un dieu ! Mais il n’intervient pas seulement dans la nature. On voit aussi qu’il est ressenti comme intervenant dans l’histoire du peuple qu’il s’est choisi.

Une deuxième partie (16 p.) s’attarde sur les textes moins nombreux, dans lesquels Dieu est en retrait. Vient une troisième partie (13 p.) dans laquelle l’auteur essaie de se situer. Il le fait en invoquant le contexte culturel de ces textes qui racontent l’intervention directe de Dieu.

D’autres textes lui suggèrent l’idée d’un Dieu caché, soit que nous ne soyons pas capables de percevoir son action par manque de foi, disent ceux qui pensent la percevoir, soit que nous estimions nous-mêmes modestement ne pouvoir les percevoir !
Mais c’est encore dans les deux cas, rechercher des marques temporelles, mondaines, de son intervention. Et si Dieu avait d’autres façons d’agir que celles auxquelles nous nous attendons ? Une quatrième très courte partie (2 p.) met à part la résurrection de Jésus, qui « échappe à l’analyse objective et scientifique du réel ». Une cinquième et dernière partie (7 p.) pose la question de l’utilité de la prière.

En encadrés, l’ouvrage présente quelques réflexions sur des textes ou des thèmes particuliers : le psaume 147 ; Genèse 1 et 2 ; le Tsimtsum, retrait de Dieu pour permettre au monde d’exister ; le psaume 22 ; les Béatitudes ; le livre de l’Apocalypse ; les miracles bibliques ; Esaïe 45,15 et pour finir le Notre Père.

Je ne peux enfin que vous citer une phrase extraite de la conclusion :

« J’espère seulement avoir ouvert quelques pistes, rassurantes pour ceux qui se considèrent à trot comme de mauvais croyants, questionnantes pour ceux qui pensent avoir une foi en béton, intéressantes pour ceux qui cherchent à savoir ce que pensent les croyants. »

Roseline Cayla

Ce livre est à la B.M. rue Toussaint à Angers sous la cote 231.7 PIG

 

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